thèse pour le doctorat de science politique soutenue le 13 octobre 2008 à l’IEP de Toulouse, mention très honorable avec félicitations à l’unanimité.
Jury :
Résumé.
Aucun chiffre officiel ne rend compte, en France, d’une corrélation entre la position sociale et le fait de mourir sur la route. Pourtant, la mortalité routière ne frappe pas au hasard, elle affecte en priorité les plus démuni.
Le retraitement statistique des bulletins d’accidents établit un fait social sous documenté : les groupes sociaux sont inégaux face aux accidents mortels de la circulation. Les ouvriers (conducteurs) affichent une surmortalité relativement stable dans le temps tandis que les cadres sont sous représentés dans les accidents mortels et sont de surcroît les premiers bénéficiaires de la diminution du nombre de victimes enregistrée entre 2002 et 2005. L’enjeu n’est rendu visible que sous une forme particulière, vidée de son contenu social, au prisme de la seule responsabilité personnelle du conducteur. Le plus souvent, les représentations dominantes de l’accident, médiatisées par les journalistes ou les spots de communication publique, sont sans lien ou presque avec la réalité du problème, aveugles à ses causes sociales. Les usagers de la route sont de leur coté d’accord pour dénoncer prioritairement leur prochain ou considérer que l’accident n’arrive qu’aux autres, mais pas indifféremment. Les appropriations de ce point de vue individualisant, chiffré, unique et uniforme, fluctuent au gré du rapport socialement situé de chacun à la route, c’est-à-dire des dispositions que les agents doivent à leur position sociale. Les lectures de l’enjeu varient ainsi en fonction de ceux à qui il bénéficie et conduisent les individus à contester préférentiellement les conduites dont ils sont le plus éloignés socialement plutôt que l’enracinement populaire du problème.
Mots-clés : fait social, problème public, politique publique, accident de la circulation, mortalité routière, inégalités sociales, classes populaires, communication publique, journalisme, médiatisation, lecteurs, lectures, " réception ".
Road safety through the social inequalities’ prism. Coding and decoding
of a public problem.
There are no official data in France that enables to link social positions with death on the road. Yet, related road mortality doesn’t occur randomly. Powerless and poorer people appear to be over represented among those dying on the road. Crash reports statistics’ analysis establishes a social fact surprisingly under documented : social groups are unequal in front of mortal road crashes. With a remarkable stability, working class drivers are over-represented among those who die on the road while upper classes are under-represented. Moreover the latter are those who mainly beneficiated from the 2002-2005 decrease in road mortality. This issue is only visible in a specific form, deprived from its social content, only presented through the prism of the driver’s personal responsibility while general causes are never discussed. Most of the time, dominant representations of the accident, spread by journalists or public state campaigns, have no links with the problem reality. On their side, road users appear keen to criticize their peers’ behaviour or to consider that they aren’t concerned by these accidents. Yet these judgements, fuelled by journalists and public communication, do not appear randomly. They are strongly linked with their, socially located, relationship to road and driving. That is, from the dispositions derived from their social position. Interpretations of the issue heavily vary according to those who benefit from it. Thus, individuals tend to interpret road mortality as a problem caused by individual misbehaviours not to structural causes. As a consequence, the social inequality that lies behind road mortality has so far remained unquestioned.
Key words : social fact, public problem, public policy, road crash, road mortality, social inequalities, popular classes, public communication, journalism, reader, reading, "reception".