dirigée par Jean-Michel EYMERI-DOUZANS
Raluca IUGULESCU-LESTRADE a soutenu sa thèse le vendredi 8 décembre 2017 à l’IEP de Toulouse
Le jury, présidé par M. Florent CHAMPY, lui a décerné le grade de docteure en science politique.
La délivrance des mentions étant maintenue par l’Ecole doctorale Droit et Science Politique, le jury lui a également attribué la mention Très Honorable avec les Félicitations unanimes.
Résumé de la thèse :
Cette recherche porte sur l’étude du processus d’agencification, saisi au travers du cas des agences régionales de santé (ARS), et analysé comme une forme d’institutionnalisation. La thèse s’intéresse en particulier à l’une des missions majeures dévolues aux ARS, la veille sanitaire, prise ici comme analyseur du processus plus large de changement par l’agencification. À partir d’un matériel empirique de première et de seconde main, et suivant une démarche ethnographique, ce travail entend éclairer la mise en place des ’’maisons communes ARS’’ telles que les avaient voulues les autorités politico-administratives ab initio, pour se demander comment et jusqu’à quel point ces structures nouvelles parviennent à « faire institution ». A cette fin, c’est en trois temps que les recompositions impliquées par la mise en place des ARS sont étudiées. Le premier temps est celui de la genèse des ARS : du projet aux recrutements jusqu’aux lieux d’installation des agents, ce sont les représentations des agents qui sont mises au travail pour montrer comment les ARS ont "pris corps". Dans un deuxième temps, les recompositions professionnelles, hiérarchiques et statutaires imposées par la création des agences ainsi que l’étude d’un rôle intermédiaire - le cadre responsable de service -, rendent compte de l’évolution au sein des ARS du métier de la veille sanitaire. Ce sont les professions traditionnelles de la santé publique, les corps techniques de l’État mais aussi de nouvelles figures, davantage ’’floues’’ et néo-managériales, qui permettent de saisir ici le caractère ’’prudentiel’’ du métier de la veille sanitaire. Quant à l’"ethos’’ de santé publique, forgé à l’École de Rennes et sur le terrain, les agents puisent en lui les formes de résilience qui leur permettent de ’’faire corps’’ ensemble mais de manière éphémère, au sein de ces nouvelles ’’maisons’’ administratives. Enfin et en troisième lieu, l’étude d’une troisième source de recomposition, indissociable de la mise en place des ARS, à savoir la numérisation des échanges dans la vie administrative, révèle encore d’autres aspects de l’objet. Le fait que l’ordinaire bureaucratique passe désormais par le truchement des écrans et du réseau électronique dont ils sont les terminaux a pour effets d’intensifier l’autorité hiérarchique et de provoquer des formes accrues de docilité institutionnelle, avec les effets afférents sur les rôles, la mémoire et les routines bureaucratiques. Cette étude montre ainsi, au-delà de la régionalisation par les ARS, de l’agencification et des recompositions professionnelles, hiérarchiques et statutaires qu’elle engendre, comment le système de pratiques et de représentations des agents publics en cause se transforme à ’’bas bruit’’, dans le sens de formes nouvelles de métier bureaucratique ’’à distance’’, cependant que l’institution parvient malgré tout à "faire corps" avec ses agents, ces généralistes de la "chose publique" qui, dans les ARS, gardent et veillent encore (sur) la santé publique.
Mots-clés : agence, santé, régionalisation, numérique, réforme, professions